Philippe Boursier : « Aujourd'hui, La Roche claire et la majorité municipale n'ont que des points de désaccord. »
Ph. Boursier : « Un système clientéliste »
L'opposition de gauche est féroce contre les pouvoirs en place. Le poil à gratter de la vie municipale. C'est ainsi qu'on pourrait présenter La Roche claire, incarnée par son leader Philippe Boursier. Le mouvement de la gauche écologique s'oppose frontalement à la gestion de la ville menée par Jacques Auxiette, en parlant de « système clientéliste ». La Roche claire critique beaucoup, mais a-t-elle des alternatives ?
O.F. Etes-vous un mouvement de gauche ou d'extrême gauche,
car vous semblez défendre un changement radical de la société. Un changement
parfois utopiste ?
Ph. B. Nous sommes une association locale, citoyenne, anti-libérale, écologique,
et profondément de gauche, fidèle à ses valeurs de redistribution des
richesses et de protection de l'environnement. Sinon, il n'y a rien d'extrême
ou d'utopiste dans ce que l'on dit. La plupart de nos propositions se pratiquent
ailleurs. Et oui, il faut un changement radical, mais surtout par rapport à la
gestion de la ville aujourd'hui.
C'est un système clientéliste autour de Jacques Auxiette, de son clan, et
autour de « deals » avec le lobby économique. On l'a bien vu avec
le développement des grandes surfaces. C'est la carotte pour ceux qui
participent à ce système de copinage, c'est le bâton pour ceux qui résistent,
comme nous. On le voit bien dans les attaques violentes dont La Roche claire est
victime. Avec nous, la carotte ne marche pas.
L'utilisation récurrente de cette posture d'« agressé »
n'est-elle pas une manipulation, alors que dans les faits, La Roche claire est
plus souvent « l'agresseur » du pouvoir en place ?
La violence contre nous se retourne contre son auteur. Bien évidemment, je préférerais
des débats sereins, mais nous, contrairement à certains, on ne s'attaque pas
aux personnes.
Sauf que vous semblez vous servir de cette « violence »,
comme vous dites, pour être encore plus impertinent et sans concession ?
Oui, peut-être, mais c'est pour construire un contre-pouvoir citoyen. On ne
fait pas la politique comme les autres. On dit des choses que personne n'ose
dire.
Vous critiquez la gestion « clanique » de la
ville, voulez-vous parler de la politique des quartiers ?
En partie oui. Le système clientéliste a besoin d'opacité pour masquer les réalités.
Les conseils de quartiers sont des caricatures, des opérations de
communication, voire de propagande. C'est un gadget faussement démocratique,
car ils n'ont aucun pouvoir.
Quel serait alors votre politique dans les quartiers ?
Rendre leur autonomie aux maisons de quartiers et cantonner l'Acyaq a un rôle
de coordination. On pourrait aussi faire élire les conseils de quartiers. Pour
les enveloppes de quartiers, le principe est intéressant, c'est un embryon de
budget participatif. Mais la façon dont s'est mené, c'est de l'esbroufe. Les
enveloppes ne représentent que 0,3 % du budget 2003 de la ville.
On a bien compris que vous ne partagiez pas les choix de la
majorité municipale, mais quels sont les dossiers profonds de désaccord ?
Le déficit démocratique, la politique d'aménagement de la ville où on éloigne
les lieux de vie des lieux de travail et de consommation, le développement en
tache d'huile des lotissements, la privatisation du secteur social.
Avez-vous des points de rapprochement ?
Actuellement, nous n'avons que des points de désaccord. Si peut-être le projet
d'urbanisation de la gare. Le problème, c'est qu'entre les objectifs affichés
et la réalité, c'est le grand écart, notamment à cause du flux automobile et
la carence des petites commerces.
Concernant l'intercommunalité, oui ou non au passage en
communauté d'agglomération ?
C'est un point de friction entre le système Auxiette et le système Villiers
via Darniche. C'est à la fois la preuve d'une connivence et d'une compétition
sur les enjeux du pouvoir. Y aurait-il trop d'éléphants pour un seul
strapontin ? Aujourd'hui, l'intercommunalité manque de débat sur
l'entraide entre les communes pour réduire les inégalités. Le Sud est
perdant. Quant à la communauté d'agglomération, si elle doit fonctionner
comme la communauté de communes aujourd'hui, elle ne servirait à rien.
C'est facile de s'opposer en permanence, mais plus compliqué
de construire. Puisque vous vous présentez comme une « force
d'alternative », si vous étiez au pouvoir, que feriez-vous de concret ?
D'abord, on décréterait un moratoire sur les grandes surfaces, on annulerait
le projet de Flâneries bis au Sud. On créerait un véritable réseau de pistes
cyclables protégées, on élargirait le service public dans la petite enfance
par exemple. Pour l'eau, on favoriserait sa gestion par une régie municipale.
Pour mettre en place ces projets, il vous faudrait être
majoritaire, pourriez-vous un jour partager le pouvoir avec la gauche socialiste ?
De la façon dont le système fonctionne aujourd'hui, il en est hors de
question. Mais avec une nouvelle génération intègre, on peut ouvrir le débat.
Vous savez, La Roche claire n'a pas vocation à être toujours dans
l'opposition. Et ce qui est sûr, La Roche claire fera tout pour que la ville de
La Roche ne tombe pas dans le réseau villiériste.
Etre majoritaire suppose des voix, vous servez-vous de votre rôle
de leader des anti-incinérateur pour capitaliser électoralement ?
Mon Dieu, non. Ce serait du machiavélisme. Mais on ne peut pas nier que cette
mobilisation citoyenne est une vague de fond qui illustre bien le divorce entre
la population et les pouvoirs en place. Nous sommes en train de réussir quelque
chose d'important, en proposant d'autres alternatives à l'incinération.
Justement, Jacques Auxiette exclut l'incinérateur aux
Basses-Barbontes, vous devez être satisfait ?
C'est de la démagogie. Auxiette participe à Trivalis. Quand il vote son
soutien au syndicat, il faut y voir un « oui » à l'incinérateur,
mais chez les autres. Jacques Auxiette a certainement des raisons pour se
mouiller autant. Derrière, il y a soit un deal industriel, soit un accord électoral.
Jacques Auxiette veut être sénateur, il ne peut pas l'être sans des voix de
droite.
Vous seriez favorable à un référendum sur la question des déchets ?
Bien évidemment. Si Trivalis est si sûr de son fait, pourquoi ne pas poser la question aux citoyens.
Propos recueillis par Christophe JAUNET.
Suite à l’interview de Philippe Boursier publié par Ouest-France le mardi 3 juin 2003, le maire de la Roche-sur-Yon a demandé un droit de réponse au journal se concluant par des menaces de recours judiciaire. Philippe Boursier au nom des élu-e-s de la Roche claire a adressé le texte suivant en réponse. |
Communiqué du 7 juin 2003
Plutôt que de tenter vainement d’intimider les élu-e-s de la Roche claire à travers une menace juridiquement non fondée, M. Auxiette devrait répondre sur le fond aux questions que l’interview de Philippe Boursier a soulevées. Pourquoi depuis le début de leur mandat les élu-e-s de la Roche claire sont-ils systématiquement agressés pendant les Conseils municipaux (comme en témoignent les procès verbaux des séances) par des élus de la majorité qui, dans le même temps, prétendent faire de la ville un laboratoire de la démocratie participative? Pourquoi la Roche-sur-Yon est-elle la ville de France qui a la plus forte densité de grandes surfaces avant même l’ouverture des Flâneries bis route de la Tranche? Pourquoi le maire de la Roche-sur-Yon fait-il campagne pour l’incinérateur géant voulu par le Président du Conseil général tout en refusant que le débat soit ouvert au sein de son propre conseil municipal?
En essayant de censurer le débat M.Auxiette ne peut qu’éveiller la défiance des yonnais et des yonnaises qui, légitimement, aspirent à la transparence des grands choix de la ville et au pluralisme des points de vue exprimés dans la presse locale.
Philippe Boursier.